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l’ascension du phénomène Gyökeres racontée par ses coéquipiers et adversaires

S’il claque but sur but depuis un an et demi au Sporting CP, au point d’être devenu l’attraction du moment sur le marché des transferts, Viktor Gyökeres (26 ans) n’a pas connu un parcours linéaire. Ceux qui le connaissent bien racontent pour RMC Sport l’explosion tardive de ce bourreau de travail, longtemps en souffrance en D2 anglaise, et les qualités qui en font aujourd’hui le nouveau cauchemar des défenses.

Ses doigts s’entrelacent au moment où ses mains viennent se rejoindre pour envelopper sa bouche. Comme pour former le masque d’un tueur sans merci. L’image traumatise le Portugal depuis bientôt un an et demi. Celle d’un bourreau venu du grand froid scandinave, qui se plaît à collectionner les victimes, avant de célébrer ses forfaits en rendant hommage à Bane, ce super-vilain au cœur de la saga Batman, joué notamment au cinéma par Tom Hardy.

Dans la vraie vie, le méchant est un blond aux yeux bleus, au regard aussi profond que perçant, répondant au nom de Viktor Gyökeres. Et ce n’est pas Bruce Wayne mais les défenseurs de Benfica, Porto et autres Braga qu’il a pris l’habitude de martyriser avec gourmandise. En attendant, peut-être dès cet hiver, d’exporter sa signature et de s’en aller conquérir d’autres territoires.

Viktor Gyökeres lors du match entre le Sporting et Braga, le 11/02/2024 © AFP

Car à force de concasser ses adversaires à chaque sortie, l’arme fatale du Sporting est aujourd’hui considérée comme la dernière terreur en date du football mondial. Une machine à highlights qui facture plus de buts (31) que de matchs disputés (29) cette saison en club. C’est simple, personne n’affiche un bilan plus flatteur dans les cinq meilleurs championnats européens. Suffisant pour donner le tournis aux gros du continent et imaginer un transfert à plusieurs dizaines de millions d’euros dans les semaines à venir. Et ça, pas grand monde ne l’aurait prédit il y a quatre ans, quand il était plongé dans l’anonymat de la Championship et qu’il lui fallait batailler pour gratter des minutes contre Millwall, Birmingham ou Derby County.

“Techniquement, c’était médiocre”

Sa trajectoire n’a rien de comparable avec le modèle connu du crack qui explose à l’adolescence en ringardisant de vieux records, type Lamine Yamal, ou de l’animal à sang-froid formaté pour gravir les échelons jusqu’à se faire une place au sommet de la chaîne alimentaire, tel Erling Haaland. Gyökeres, plus vraiment un jeune loup du haut de ses 26 ans, a eu besoin d’un certain temps pour sortir de l’ombre. Et d’une bonne dose de confiance en lui pour dribbler les prédictions qui lui promettaient à peu près tout sauf un destin doré. Des doutes alors partagés par Maxime Biamou.

“Sincèrement, je n’aurais jamais mis une pièce sur lui”

“Tous ceux qui l’ont connu à ses débuts en Angleterre vous diront la même chose. C’était un attaquant correct et combatif, mais sans lui manquer de respect, il avait pas mal de défauts. Rien ne permettait de dire qu’il allait exploser un jour”, se remémore l’avant-centre français, qui a côtoyé la bête du côté de Coventry pendant six mois en 2021.

C’est pourtant là, dans ce bastion industriel des Midlands de l’Ouest, loin des projecteurs d’une Premier League inaccessible, que le déclic a eu lieu. Avec 17 pions pour sa première saison complète sous le maillot des (autres) Sky Blues. Et un double-double la suivante (21 buts, 10 passes décisives) pour convaincre le Sporting CP de faire sauter la banque.

Pour mieux comprendre ce drôle de parcours, il faut d’abord rembobiner la cassette. L’histoire prend ses racines à Bromma, paisible quartier de la banlieue de Stockholm. Avec, à première vue, tous les ingrédients réunis pour une douce success story: des débuts en pro à 16 ans avec l’équipe locale, l’IF Brommapojkarna, un apprentissage accéléré au sein de cette pépinière de talents ayant aussi vu grandir Dejan Kulusevski, un triplé lors de son dernier match pour fêter la montée en D1, et le tremplin idéal avec un transfert à Brighton pour un million d’euros en janvier 2018.

Viktor Gyökeres lors d'un match de Carabao Cup entre Brighton et Portsmouth, le 17/09/2020
Viktor Gyökeres lors d’un match de Carabao Cup entre Brighton et Portsmouth, le 17/09/2020 © SPI / Icon Sport

Rarement trahis par leur flair et la richesse de leurs datas, les scouts des Seagulls ne doutent pas une seconde de leur prise. L’idée est de l’envoyer se faire les dents en réserve, avant de laisser Graham Potter profiter du diamant. Problème, le diamant en question se révèle être un peu trop brut, comme se souvient Gaëtan Bong, resté cinq années à Brighton (2015-2020).

“Ce n’était pas du tout un tueur devant le but, ce n’était pas extraordinaire”

“Je me souviens avoir vu arriver dans le vestiaire ce gars qui ne payait pas de mine. C’était surprenant de le voir là parce que Brighton avait l’habitude de recruter à son poste des profils rapides et pas embêtés avec le ballon. Lui avait déjà un physique imposant, mais comment dire… Techniquement et dans sa finition, c’était… médiocre. Il était loin par exemple du niveau d’un Glenn Murray, qui était notre n°9 titulaire”, resitue le défenseur camerounais.

Barré par Maupay et à la cave à Brighton

À défaut d’être ébloui par la patte droite de ce Suédois “à la fois gentil, taiseux et introverti”, l’ancien latéral des Lions Indomptables retient tout de même une image marquante d’un de ses premiers entraînements. “Ce jour-là, on bosse les coups francs et je vois le discret Viktor venir dans ma zone. On me filait souvent les mecs les plus costauds au marquage donc sur le coup je suis tranquille et je me dis que je vais tenter de l’intimider, histoire de lui souhaiter la bienvenue (rires). J’attrape son bras, j’essaie de le bouger, et là… wow! Je vois qu’il résiste. Un mur! Il avait une sacrée force. Je me suis dit: ‘OK, il va falloir qu’il taffe dur, mais au moins il a du répondant, il n’est pas là pour se faire marcher sur les pieds, et dans les duels il a ce qu’il faut.’ C’était un premier bon point.”

Les épaules tracées et les cuisses de rugbyman sont en place. Le reste tarde à venir, si bien que Gyökeres doit se contenter de cinq maigrichonnes apparitions en Coupe entre son arrivée et son premier départ en prêt pour l’Allemagne, en juillet 2019. Il en faut pourtant plus pour casser le moral de ce “bourreau de travail”, dixit Bong. “Il était systématiquement partant pour faire du rab à la fin des entraînements, à bosser tout ce qu’il pouvait et à s’arracher à chaque séance. Un jeune avec cette mentalité, qui accepte de passer un an et demi en réserve sans faire un scandale, ça devient de plus en plus rare”, reprend l’ex-Messin.

“Combien à sa place auraient plongé? Ça se voyait qu’il était déterminé et qu’il savait que tout ça finirait par payer”

“Il ne faisait pas de bruit. Mais il écoutait tous les conseils sans se prendre pour un autre. Sa seule erreur, c’est sans doute d’avoir attendu aussi longtemps pour partir et progresser en prêt.” Ce qu’il se résout à faire une première fois, direction Sankt Pauli et la D2 allemande pour une année. À la clé: sept caramels en une vingtaine de matchs et le droit d’enchaîner dans la foulée avec un deuxième prêt, chez les Gallois de Swansea, d’où il repart avec des miettes et un petit but en moins d’une demi-saison. Autrement dit, au moment de le récupérer début 2021, Brighton ne sait plus trop quoi faire de ce qui ressemble fort à une erreur de casting.

Viktor Gyökeres avec le FC Sankt Pauli
Viktor Gyökeres avec le FC Sankt Pauli © IconSport

Sceptique sur le potentiel – il est vrai bien caché – du garçon, et convaincu d’avoir ce qu’il faut en magasin entre le Frenchie Neal Maupay et le barbu irlandais Aaron Connolly, Graham Potter ne le retient pas. C’est alors à Coventry, sur les conseils insistants de son pote norvégien Leo Ostigard, que le colosse aux origines hongroises (1m87 pour 86kg) pose ses valises. La fin des galères? Pas encore.

Stakhanovisme et “grosses lacunes”

“Mon ressenti après ses premiers entraînements, c’est qu’il ne sortait vraiment pas du lot. Il avait de grosses lacunes techniques et tactiques. En match, il avait cette façon de foncer tête baissée, sans se poser de question. Il tentait beaucoup et s’en fichait d’avoir du déchet. Pied droit, pied gauche, il envoyait de sacrés parpaings, mais ce n’était pas souvent cadré. On peut le dire, ce n’était pas le meilleur joueur de l’équipe”, rejoue l’ancien milieu marseillais et clermontois Wesley Jobello, présent au club à la même époque.

“Sans être nul, il était à des années-lumière de son niveau actuel”

“À sa décharge, il était baladé à tous les postes de l’attaque, ce n’était pas évident pour lui”, poursuit l’ex-coéquipier du serial buteur suédois. “Ça ne l’empêchait pas de se battre comme un acharné et de se dépouiller au quotidien. Il avait cette envie d’apprendre.” Et cette foi inébranlable en lui-même, malgré tous ces week-ends passés vissé sur le banc à attendre patiemment un rayon de soleil dans la grisaille britannique.

Viktor Gyökeres avec Coventry
Viktor Gyökeres avec Coventry © IconSport

“Les premiers mois, le coach (Mark Robins) le mettait de temps en temps sur le terrain car Viktor pouvait sortir un truc venu de nulle part”, embraye Maxime Biamou, titulaire à la pointe de Coventry à cette période. “Il aimait bien prendre le ballon, se lancer dans une série de dribbles et dégainer une frappe aux 35 mètres. Sans trop de réussite. Sa finition n’était pas réglée. Même s’il était de bonne volonté, il n’y avait rien de transcendant dans ce qu’il faisait”, étaye le natif de Créteil, qui se souvient d’un Gyökeres animé par une “haine de la défaite”, pas le dernier à “râler dans son coin et dans sa langue” au bout d’une énième série de tir aux pigeons.

“Son manque de confiance était terrible”

“Il se frustrait vite et ne comprenait pas pourquoi ça ne marchait pas pour lui, donc il se réfugiait dans le travail. Je sais qu’un adjoint passait son temps à lui dire de souffler. Même en veille de match il en redemandait!” Ce stakhanovisme, doublé d’une poignée d’entrées (enfin) encourageantes au printemps 2021, persuade la direction de Coventry de lâcher un million d’euros pour l’éloigner pour de bon du bourbier Brighton. Mieux, le club fait le pari de lui donner les clés du camion sous l’impulsion de Mark Robins, ancien buteur et élève de Sir Alex Ferguson à Manchester United, bluffé par cet apprenti numéro 9 capable de zapper ses vacances d’été pour se bâtir encore davantage un corps d’athlète et surtout potasser le manuel du parfait attaquant.

À la manière d’un Marcus Thuram, qui s’est longtemps éduqué aux vidéos des exploits de Ronaldo ou Zlatan pour s’imprégner des spécificités du poste, Gyökeres fait ses devoirs, gratte des infos ici et là auprès de Robins pour rattraper son retard, corrige aussi bien ses déplacements que son jeu de corps. Tout en commençant à cultiver une forme d’obsession pour le but. C’est l’heure de la bascule.

L’improbable déclic Coventry

“Il a attaqué la saison 2021-2022 totalement changé. Ce n’était plus le même. La confiance du club, le fait d’être propulsé titulaire, ses efforts et son abnégation : tout ça a donné un joli cocktail. Il s’est senti aimé et est entré en mission”, illustre Wesley Jobello. Oubliés les pétards expédiés en tribunes façon Ousmane Dembélé. Avec neuf buts sur les onze premières journées de Championship, et 17 au total, Gyökeres règle la mire. “Tout était enfin réuni pour qu’il passe un cap. Et il a fait bien mieux que ça. C’était irréel, Coventry s’est retrouvé avec une machine de guerre, il était injouable! Il s’est mis à gagner tous ses duels, à ne plus perdre un ballon. Ses appels étaient effectués à la perfection et il ne loupait plus une occasion”, s’emballe Maxime Biamou, qui y voit “un exemple de détermination, de travail et de force mentale”.

“Je n’ai jamais vu une telle progression…”

“Ça doit être un modèle pour tous les jeunes. Il est passé par des moments très, très compliqués, et pourtant il n’a pas lâché. Je lui dis un grand bravo pour cette réussite.”

Viktor Gyökeres lors d'un match de Championship entre Coventry et Sunderland, le 31/07/2022
Viktor Gyökeres lors d’un match de Championship entre Coventry et Sunderland, le 31/07/2022 © PA Images / Icon Sport

Pas rassasié, le chouchou de la Ricoh Arena boucle la saison suivante en tant que deuxième meilleur buteur de Championship, uniquement devancé par l’ex-rookie d’Arsenal, Chuba Akpom. Fidèle du “championnat le plus physique au monde” entre 2020 et 2023, sous les couleurs d’Huddersfield puis de Reading, Naby Sarr a été un témoin privilégié de cette métamorphose à la sauce suédoise. “J’ai eu affaire à deux Gyökeres. Le premier était déjà teigneux et costaud, malgré beaucoup de manques. C’était facile de l’arrêter, son jeu était hyper lisible. À la fin, ce n’était plus la même histoire (rires). Il est devenu ultra complet, l’un des meilleurs joueurs que j’ai pu affronter. Rapidité, puissance, efficacité, justesse technique… Il a bossé tous ces aspects.” L’actuel défenseur d’Al-Markhiya, au Qatar, n’a pas oublié ce Coventry-Reading (2-1) d’avril 2023 terminé “lessivé”.

“Gyökeres sait faire tellement de choses qu’il ne te laisse pas de répit”

“OK, il ne fera pas lever un stade sur un grigri à la Ronnie mais il peut décrocher, jouer en remise, presser le porteur, attaquer le dos du défenseur pour le faire sortir, aller au combat, gagner des mètres balle au pied, ouvrir des espaces, se mettre vite en position de tir et marquer dans un angle impossible… Et puis ce qui le différencie des autres, c’est qu’il n’est pas feignant. Son état d’esprit, ça a toujours été de se dire qu’aucun ballon n’est injouable. Même s’il semble inexploitable et qu’il a cinq mètres de retard, il va y aller à fond. C’est un poison”, détaille l’ex-Lyonnais, qui en dit également plus sur la personnalité du bonhomme, décrit par ses anciens coéquipiers comme réservé et pas du genre à gérer la playlist dans un vestiaire.

“Il en impose sur le terrain, mais il n’est pas dans le trashtalking, ce n’est pas son délire. Il ne cherche pas l’embrouille. Il peut prendre un sale coup et se relever sans se prendre la tête, il s’en moque.”

Une première saison à 43 buts au Sporting CP

Gyökeres se gausse au moins autant des critiques qui lui reprochent en juillet 2023 de bouder les quelques écuries de Premier League (West Ham, Everton, Wolverhampton) soudainement séduites par ses feuilles de stats. Pas question de se rebrûler les ailes, lui préfère prendre son billet pour le Sud et dire oui au projet du Sporting CP, qui en fait le joueur le plus cher de son histoire en offrant près de 25 millions d’euros à Coventry. Il se trouve là-bas un nouveau mentor, en la personne de Ruben Amorim, et de la chair fraîche à malmener. Cette fois, pas besoin de temps d’adaptation.

C’est par un doublé en ouverture du championnat qu’il soigne ses présentations avec le public portugais. Avant d’étendre toujours plus son tableau de chasse, jusqu’à achever cette première saison en terre lisboète avec la bagatelle de 43 buts (!) au compteur. Sans oublier toutes ces lucarnes nettoyées en sélection, où ce fan de Cristiano Ronaldo forme avec Alexander Isak un duo à filer la frousse à n’importe quelle équipe. “Viktor me fait penser au Romelu Lukaku d’Everton, celui qui dominait les défenses avec une puissance dingue”, sourit Gaëtan Bong, là où Naby Sarr lui trouve “une intelligence rare à la Olivier Giroud pour sa science du déplacement et sa manière d’exploiter ses forces”.

C’est aussi ce qu’ont dû penser les supporteurs belges, le 16 octobre 2023. À Bruxelles, il ne faut qu’un quart d’heure à Gyökeres pour ouvrir le score en qualifs pour l’Euro et confirmer qu’il sait (quasiment) tout faire: à l’affût dans son camp sur une perte de balle adverse, il use d’abord de sa vitesse et de son goût pour la muscu pour échapper au retour de Youri Tielemans. C’est encore son explosivité et sa conduite de balle qui lui permettent de débouler jusque dans la surface des Diables Rouges, où il envoie Jan Vertonghen sur les fesses d’un dribble derrière la jambe d’appui, avant de conclure d’une sacoche du droit. Une sorte de quintessence de la méthode Gyökeres.

“Tu vois dans ses yeux qu’il veut te tuer”

Autre contexte mais sanction identique pour les Autrichiens du Sturm Graz, il y a deux mois, en Ligue des champions. Preuve que son terrain de jeu ne se résume pas qu’aux vingt derniers mètres, c’est en avalant le couloir gauche puis en repiquant plein axe, avec au passage deux-trois feintes pour mystifier le gardien, qu’il se charge de faire le break. Du travail d’orfèvre, comme en septembre face au Losc. But sur un enchaînement supersonique, expulsion provoquée d’Angel Gomes, caviar à la louche pour ses partenaires, et une activité de tous les instants pour essorer ses gardes du corps: sa prestation face aux ouailles de Bruno Genesio est une ligne de plus sur un CV bien copieux.

Croiser son chemin, c’est l’assurance (ou presque) de repartir les valises pleines. Pep Guardiola l’a carrément vu ridiculiser les siens lors d’un 4-1 collé par le Sporting CP à des Citizens réduits au rang de plots, toujours en C1, au mois de novembre. Combien de buts pour Gyökeres? Trois.

“On a beau être prévenus, ça reste dur de l’attraper”, souffle le défenseur vendéen Baptiste Roux. Avec son club de l’AVS Futebol SAD, promu en Liga Portugal, il n’a pu que constater les dégâts à l’occasion d’une défaite 3-0 face au Sporting, en début de saison, avec un doublé ce soir-là pour Gyökeres. Le tarif habituel. “La vérité, c’est qu’il aurait pu en mettre beaucoup plus. Il y a d’autres très bons joueurs dans cette équipe, comme Trincão, mais lui est à part. Tu vois dans ses yeux qu’il veut te tuer! Il a faim, il veut t’abattre (sourire). Généralement, un 9 s’appuie sur quelques points forts. Regardez Samu, qui cartonne avec Porto, c’est avant tout un joueur de surface, c’est là qu’il excelle”, témoigne le central de 25 ans.

“C’est différent pour Gyökeres, il a tout”

“Je l’ai vu reculer pour participer au jeu, dézoner sur le côté, partir comme une bombe en profondeur, marquer du droit et du gauche… On parle beaucoup de son physique, sauf qu’il y en a plein des mecs costauds! Lui sait parfaitement se servir de son corps. Et puis il est tout le temps à 300%. Il te pousse dans tes limites. Dès qu’il a une ouverture, il y va. Je me souviens d’une action en début de match où il commence à partir avec le ballon. Je suis juste derrière lui, à un mètre, donc je me dis que je vais le bouffer et l’arrêter. Mais non, il a poussé, poussé, poussé, et je n’ai jamais pu le reprendre.”

À l’aise dans la densité ou les grands espaces, cible dos au jeu ou croqueur de mètres, pas maladroit non plus sur coup franc, Gyökeres se nourrit autant des duels en un-contre-un que des sprints en mode bulldozer. Rusé et terriblement brutal, il a également appris, dans le 3-4-2-1 cher à Amorim, à mieux gérer le rythme de ses courses, la lecture des zones, la fréquence de ses appels et à peaufiner sa première touche pour réussir à se créer une fenêtre de tir dans une cabine téléphonique. Et si ce sont ses buts qui font tant parler, son apport va bien au-delà de la statistique la plus valorisante pour une telle gâchette.

Des derniers doutes à lever

“Il est plus collectif qu’on pourrait le croire et il est très précieux par son pressing. Il est toujours dans l’effort, prêt à harceler les défenseurs, se replacer, revenir défendre… Ce n’est pas un gars qui triche. S’il doit refaire un sprint pour couper une ligne de passe, il le fera sans problème”, poursuit l’ancien Guingampais Baptiste Roux, qui garde en tête l’image d’un joueur “respectueux”. “Il est focus dans son match, le reste ne l’intéresse pas. Je lui ai quand même mis pas mal de boîtes (sourire)! Il s’est un peu plaint à l’arbitre en suédois, mais il ne m’a rien dit. Même là, il est dans l’efficacité maximale et pas dans la fantaisie.”

Comme si sa seule facétie restait ce masque dégainé à chaque but, ainsi qu’un attrait moins connu pour… la chicha. Récemment grillé par la presse locale en train de fumer le narguilé en soirée, Gyökeres avait défendu à sa façon son violon d’Ingres. Froidement et droit au but: “Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent. Ce qui est sûr, c’est que c’est moins dangereux que de m’affronter sur un terrain.”

C’est ce qu’attend de voir la Premier League, où Chelsea et le Manchester United… d’Amorim seraient notamment prêts à dégainer le chéquier pour l’attirer dans leurs filets. Si son opération du genou, le prix de sa clause libératoire (100 millions d’euros) et la crainte d’avoir affaire à un feu de paille avaient pu en refroidir certains l’été dernier, nul doute que le téléphone de son agent fourmille aujourd’hui de belles propositions.

Ce qui n’empêche pas ses contempteurs de rappeler que Gyökeres, sous contrat jusqu’en 2028 avec le Sporting CP, s’éclate en ce moment dans un championnat où d’autres ont affolé les compteurs comme lui avant de subir des vagues de moqueries une fois partis. Exemple avec Darwin Nuñez, qui avait écœuré les défenses portugaises avec Benfica en 2021-2022 (26 buts en 28 matchs) et qui a souffert de la comparaison avec Erling Haaland en débarquant en Angleterre pour 85 millions d’euros (20 buts au total sur ses deux premières saisons en PL avec Liverpool). À la fin des années 2010, le Néerlandais Bas Dost avait lui empilé les buts pour… le Sporting CP, avant de rentrer dans le rang à l’Eintracht Francfort.

D’autres pointent aussi, et à juste titre, la qualité technique et le jeu de tête encore perfectibles d’un Gyökeres qui soufflera déjà sa 27e bougie en juin. Des scories mises en lumière lors du naufrage du Sporting CP contre Arsenal (1-5), fin novembre, qui avait vu la paire Gabriel-Saliba éteindre son influence le temps d’une rencontre. De quoi freiner d’éventuels acheteurs? Pour Gaëtan Bong, reconverti dans une agence de consulting, la réponse est non.

“Pour un top club à la recherche d’un 9, il n’y a pas à hésiter”

“C’est un pur buteur. Un vrai. Avec tout ce qu’il faut de grinta et de feu intérieur. Il peut réussir partout.” Et ainsi prouver, contrairement au personnage de Bane dans The Dark Knight Rises, qu’il n’a pas accompli tout ce chemin pour exploser en plein vol au plus fort de sa hype.

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